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Article 4 :

Santé: comment vous vous portez

L'expression «en avoir plein le dos» est toujours d'actualité en agriculture. Au propre comme au figuré. Les enquêtes de la MSA sont formelles: les maladies professionnelles des agriculteurs touchent d'abord les muscles et le dos. Et lorsqu'on demande aux agriculteurs ce qui les préoccupe, ils mettent en avant le stress et la fatigue psychologique.

Les médecins s'interrogent sur les répercussions de l'emploi de produits phytosanitaires sur la santé des agriculteurs. Ils encouragent les exploitants à se protéger. Ils s'inquiètent aussi de la montée du stress. Enfin, parce que l'agriculture arrive en deuxième position après le BTP (bâtiment et travaux publics) pour les accidents du travail, les journées sécurité-santé au travail avec visite d'exploitations se multiplient. Le message: «L'accident n'est pas une fatalité.»

MINISOMMAIRE

Bilan de santé positif malgré les risques

Problèmes musculo-squelettiques chez les femmes, mal de dos chez les hommes, accidents fréquents chez les éleveurs et stress, tel est le bilan de santé des agriculteurs au travail.

Jean-Pierre Grillet, médecin chef de l'échelon national de santé au travail à la MSA, veut éviter toute alarme excessive: «Les agriculteurs arrivent en deuxième position en espérance de vie, juste après les cadres et professions libérales.» Lorsqu'il fait le tour des maladies les plus répandues, il note les points fragiles: les maladies respiratoires sont plus fréquentes que pour le reste de la population parce que les exploitants sont exposés aux aérocontaminants, aux poussières, aux poils d'animaux et aux produits chimiques. Le cancer touche moins les agriculteurs parce qu'ils fument moins. En revanche, ils développent des cancers plus rares: hémopathie maligne, cancers cutanés, de la prostate, gastriques et cérébraux, et seraient davantage sujets à la maladie de Parkinson. Plusieurs hypothèses sont régulièrement avancées telles que l'exposition au soleil et surtout le contact avec les produits phytosanitaires.

Autre souci qui va croissant: le stress. Lors d'une enquête nationale menée en 2003 (1), les agriculteurs mettaient le stress en tête de leurs problèmes de santé. D'après l'examen de la totalité des ALD (affections de longue durée) parvenue à la MSA l'an passé, le nombre de nouveaux cas de cancers s'élève à 6%, suivi des psychoses à 3%, à égalité avec les insuffisances cardiaques, l'hypertension et le diabète.

Des maladies sous-déclarées

Autre source d'information pour connaître l'état de santé des agriculteurs au travail: les déclarations de maladies professionnelles. «Cet indicateur ne couvre pas toute la souffrance des exploitants. Il regroupe les seules maladies déclarées et reconnues», estime Jean-Paul Larrat, responsable des risques professionnels de la CCMSA (comité central). Les maladies professionnelles sont vraisemblablement sous-déclarées: conditions de déclaration très strictes, indemnités trop faibles, paperasse redoutée. En 2003, les affections péri-articulaires représentent les deux tiers des maladies déclarées. Les éleveurs bovins sont les premiers concernés, avec 20% des maladies déclarées par les non-salariés (14% pour les laitiers). Le syndrome le plus fréquent reste le canal carpien (main) suivi des affections de l'épaule et du coude (manutention de charges lourdes, traction, mouvements surélevés) et des lombalgies (sciatiques et hernies dues aux vibrations et aux manutentions de charges lourdes). «Le syndrome du canal carpien est favorisé par les travaux dits sous contrainte, avec un fort stress, des gestes fréquemment répétés nécessitant de la force, l'humidité. La traite, le gavage et la taille favorisent ce syndrome», explique Jean-Paul Larrat.

Des dangers permanents

L'agriculture fait partie des secteurs à risques, juste derrière le BTP ou la pêche. Les statistiques de la MSA relevaient en 2003 plus de 40.000 accidents du travail et près de 400 accidents de trajet pour les exploitants (2). «Par nature, l'activité agricole présente des dangers: plusieurs activités menées de front, la gestion du temps à flux tendu, la présence de sols glissants, l'emploi de machines et le changement d'outils, la proximité des animaux, l'isolement ajoutent aux risques, explique Jean-Paul Larrat. Mais le nombre élevé d'accidents n'est pas une fatalité. Les conseillers en prévention ne sont pas là pour contrôler les exploitants mais pour les aider à s'approprier leur sécurité. L'organisation du travail, la formation peuvent limiter le danger. Et la sécurité n'empêche pas de travailler.» C'est bien d'être dur au mal, mais il faut ménager sa santé.

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(1) La MSA est en charge de la prévention des risques d'accidents du travail et des maladies professionnelles des salariés et des exploitants agricoles. Elle dispose de 350 médecins du travail et de 250 salariés de prévention.

(2) Il y a 170 accidents mortels par an en cumulant salariés et non salariés.

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Prévenir les lombalgies

«L'agriculteur est un sportif qui fait de la compétition sans entraînement.»

Tout jeune installé, Jean-Michel Travers s'est inscrit à la formation "Gestes, postures de sécurité au travail" proposée par la MSA. «Je voulais profiter de la mise aux normes prévue six mois plus tard pour faire des aménagements sur l'exploitation, anticiper en quelque sorte.» Jeune éleveur laitier à la Selle-en-Luitré, dans l'Ille-et-Vilaine, il ne souffre pas du dos, mais son entourage a connu de graves problèmes.

«Prévenir plutôt que guérir», c'est le crédo de Jean-Michel Boiron, formateur à la MSA et également agriculteur et ancien enseignant en éducation physique. «Au cours de ces deux journées, je parle d'anatomie, j'approfondis les termes (rhumatisme, lumbago).» La démarche de prévention passe par l'activité physique. Les stagiaires apprennent des exercices simples et rapides pour se muscler le dos et renforcer la sangle abdominale. Ils découvrent les gestes et les postures pour bien placer leur dos. «Je compare souvent l'agriculteur à un sportif qui ferait uniquement de la compétition sans aucun entraînement.» La question de l'organisation du travail est primordiale. «Trop longtemps on a parlé investissements, production, en oubliant l'être humain. L'important, c'est la prise de conscience, que chacun se pose les bonnes questions sur son exploitation», résume le formateur.

Depuis, Jean-Michel Travers a effectué ses aménagements. «Lors de la rénovation de la salle de traite, j'ai rehaussé les quais de 12 cm, remonté les griffes au maximum, relevé la rampe de lavage. Je n'ai plus besoin de me courber», explique Jean-Michel qui mesure 1,82 mètre. Dans la stabulation, il a prévu des passages d'homme réguliers pour éviter de passer au-dessus des cornadis. Il reste aujourd'hui à aménager une nursery pour les veaux tout près du bloc de traite pour limiter le port des seaux.

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Maladies professionnelles: Risquesprofessionnels.ameli.fr (rubriques: Accueil > Indemnisation > Les formalités et déclarations > Maladies professionnelles)

Troubles musculo-squelettiques: Info-tms.fr .

Manipuler des bovins en toute sécurité

Terre d'élevage, la Bretagne est en première ligne des accidents liés aux bovins. Il y a dix ans, les organismes gravitant autour de l'élevage (1) ont lancé la démarche de prévention "Bovins confiance". François Raflegeau, animateur régional, explique: «Nous voulions former les éleveurs et techniciens à la manipulation des animaux, avec une formation théorique sur le comportement de l'animal et pratique (prendre un animal à la corde, l'attacher). Aujourd'hui, les éleveurs veulent travailler en sécurité, s'équiper en systèmes de contention. Notre approche est fondée sur la circulation des hommes, celle des animaux et nous insistons sur la relation homme-animal: les éleveurs ont parfois perdu le contact avec les bêtes. Il y a trois questions à se poser: comment je gère ma contention collective, ma contention individuelle, comment j'embarque les animaux?»

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(1) Groupama, MSA, Institut de l'élevage, GIE lait-viande, chambres d'agriculture, GDS, centres d'insémination, contrôle laitier, Bovins croissance, groupements de producteurs, laiteries.

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Se protéger des phytos

La MSA multiplie les formations sur les risques de phytotoxicité des produits et les modes de protection.

Producteur à Fresnes, dans le Loir-et-Cher, Jean-Luc Rivière utilise le traitement de semences Austral depuis l'interdiction de Gaucho. Or, malgré le port de gants, il ressent une sensation de froid et de fourmillements sur le visage chaque fois qu'il verse les semences dans le semoir. «Ce type de symptômes nous est fréquemment signalé par le biais du numéro vert de Phyt'Attitude (1), indique le Dr Anne Pillot-Simon, médecin du travail à la MSA de la Touraine. Il est lié à l'action du produit sur les terminaisons nerveuses mais ne prête pas à conséquence», ajoute-t-elle.

Des signalements plus nombreux

Par le biais de son numéro vert, la MSA a enregistré à ce jour environ 1.500 signalements: beaucoup de symptômes sont bénins mais certains pourraient être annonciateurs de problèmes plus graves.

Les agriculteurs sont moins touchés par les cancers que la population en général mais quelques types de tumeurs sont plus fréquents. La recherche médicale s'interroge aussi sur les effets éventuels des phytos sur la survenue de la maladie de Parkinson et sur des troubles de la reproduction. Face à ces incertitudes, la MSA renforce son action de prévention auprès des agriculteurs en rappelant la nécessité d'une protection corporelle lors des traitements. Tout d'abord, la combinaison: elle est impérativement de catégorie III (contre les risques mortels ou dommages irréversibles) et à usage court (jetable). Puis les lunettes de protection: elles satisfont aux normes EN 166 et 168, sont traitées antibuée et antirayures et ont un large champ de vision. En nitrile ou en néoprène, les gants sont conformes à la norme EN 374. Enfin, le masque doit être équipé d'un filtre antipoussières de type P3 et d'une cartouche antigaz de type A2. Jean-Luc Rivière a acheté un kit de protection complet chez Ligéa, sa coopérative, mais il s'interroge sur l'image qu'il donne: «Lorsque les promeneurs me voient équipé des pieds à la tête, ils se demandent s'il n'y a pas aussi un danger pour eux.»

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(1) Tél.: 0800-887.887 ou rendez-vous sur le site de la MSA (chemin: Accueil > Santé, Sécurité au Travail > Connaissance des risques > Phyt'attitude).

Ne pas cumuler les incidents

A intervalles réguliers, des articles de presse mentionnent un taux de cancer cérébral plus élevé chez les viticulteurs, une plus grande sensibilité des enfants d'agriculteurs aux tumeurs... «L'Institut de veille sanitaire (InVS ) a estimé que les données exploitées ne pouvaient permettre de tirer de telles conclusions, répond Jean-Pierre Grillet, médecin à la MSA. Les seules études disponibles sur l'impact de l'utilisation de produits phytosanitaires sur la santé des agriculteurs sont scandinaves, américaines ou italiennes.»

En partenariat avec la MSA, le Grecan (Groupe régional d'études sur le cancer) a commencé une étude sur les risques de cancers dans le Calvados en 1995. Agrican a élargi ce travail à onze départements supplémentaires qui disposent d'un registre général de cancers. Les premiers résultats ne tomberont pas avant 2009 pour les cancers les plus fréquents et pour les professions agricoles dont la fréquence d'exposition aux risques est identifiable.

Pour les cancers plus rares, il faudra attendre 2015. «Nous devons développer la culture de la prévention. Ne galvaudons pas les principes de précaution. Les utilisateurs ne doivent pas attendre les symptômes d'alerte pour se protéger. Dans d'autres domaines, ils ont un droit de remords. En l'occurrence, mieux vaut ne pas cumuler les incidents», insiste Jean-Pierre Grillet. Les produits phytosanitaires sont mis en cause dans 36% des hospitalisations et dans 37% des arrêts de travail chez les salariés.

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Des groupes de paroles contre le stress

Selon les exploitants, le stress et la fatigue sont les premières causes de la dégradation de leur santé.

«Lorsqu'en 2002, les missions de la MSA se sont élargies à l'Atexa (assurance accidents du travail des exploitants agricoles), nous avons voulu connaître les besoins et les attentes des exploitants», explique le docteur Jean-Jacques Laplante, médecin à la MSA de la Franche-Comté qui fut en 2002 chargé de mission pour l'Atexa. Pour plus de 60% d'entre eux, c'est leur charge de travail, leurs horaires et la gestion administrative de leur entreprise qui pèsent le plus. Les agriculteurs attribuent leur stress à l'image que la société leur renvoie mais aussi à la paperasse, la Pac, l'isolement, les inquiétudes sur la transmission qu'ils aient ou non des enfants, les 35 heures, l'omniprésence de la famille ou au contraire son absence. «Et ce qu'ils redoutent surtout est l'accident de travail ou la maladie, plus que la faillite ou les intempéries. Mais tout ce qui fait lien, de l'engagement dans un groupe, dans un syndicat, dans un conseil municipal en passant par une activité sportive, facilite la prise de recul», poursuit Jean-Jacques Laplante.

Revenu en Franche-Comté, Jean-Jacques Laplante travaille en binôme avec un conseiller de prévention et les professionnels agricoles qui le sollicitent. «Parce que les agriculteurs craignent le problème de santé ou l'accident, nous pouvons les attirer sur le terrain de la prévention. Mais sans arriver en donneur de leçon ou avec des papiers à remplir, car cela ajouterait à leur stress. Nous formons des groupes de paroles et d'échanges. Au-delà de leurs conditions de travail, ils parlent aussi de leurs conditions de vie, des situations de stress, parfois d'isolement. Après discussion, nous allons sur l'exploitation. L'an passé, nous avons réfléchi avec des groupes de femmes sur le thème "prendre soin de soi". Les groupes féminins sont de bons relais de messages de prévention. Nous travaillons également avec les jeunes agriculteurs et les groupes de développement.»

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Suicide: les facteurs de risques

Les analyses par catégories socio-professionnelles sur le suicide n'ont jamais été menées à bout. Mais, selon le docteur Laplante, qui a synthétisé les publications parues sur le sujet, "des facteurs de risques peuvent se combiner : des revenus faibles, la ruralité, l'isolement, le célibat, avoir entre 40 et 50 ans, une région fortement agricole, un faible niveau d'études". Quelques statistiques incomplètes sont disponibles: en 1999, 172 agriculteurs et 18 agricultrices seraient décédés de cette façon. Une autre analyse souligne que les salariés agricoles passent deux fois plus à l'acte que les agriculteurs.

Yves Demarest: un psychologue au bout du fil

«Les exploitants parlent plus facilement de leur souffrance physique que de leur souffrance psychique», constate le docteur Yves Demarest, de la MSA de l'Aisne. Parce que la dépression et plus encore le suicide, «cela ne prévient pas, cela arrive». Depuis un an, la MSA de l'Aisne propose un service téléphonique: Stress assistance. «Nous avons affaire à une population dispersée, qui se confie peu. Nous avons mis à la disposition de tous nos affiliés, salariés et non-salariés, un numéro Azur. Des psychologues mis au fait de la réalité agricole répondent tous les jours, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Chaque assuré peut appeler jusqu'à cinq fois. Si leur souci est d'ordre administratif, ils sont réorientés. Nous avons eu cent cinquante appels en un an, pour moitié des actifs. L'entretien moyen dure vingt minutes. Les hommes représentent les deux tiers des appels. Si nous pensons que c'est grave, nos affiliés peuvent être réorientés vers un psychologue de ville. Le téléphone n'est pas un obstacle. Pour ceux qui sont isolés, il n'y a rien d'autre», conclut Yves Demarest, réconforté par la décision du conseil d'administration de poursuivre cette action qui mobilise 10.000 € par an.

par Marie-Gabrielle Miossec, Isabelle Lejas, Juliette Talpin

(publié le 25 novembre 2005)



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