Les professionnels de la viticulture vont mettre en place des opérations de lobbying pour tenter d'empêcher l'adoption définitive du projet de directive de l'Union européenne (UE), autorisant le coupage du blanc et du rouge pour fabriquer des rosés en vin de table. Une pratique que la filière considère comme une hérésie.
Si le coupage était finalement autorisé, ils souhaitent que la technique de production du vin soit inscrite clairement sur la bouteille au nom de l'information du consommateur et de la transparence.
Ils ont suggéré d'introduire par exemple un étiquetage spécifique pour les rosés français, du type «rosé traditionnel», pour bien les démarquer des vins qui seraient le résultat de simples mélanges de vins blanc et rouge.
Une autre possibilité pourrait être de retarder la mise en place de la réforme.
Michel Barnier, sollicité par Hubert Falco , secrétaire d'Etat chargé de l'Aménagement du territoire et maire UMP de Toulon, a récemment envoyé une lettre à la Commission pour souligner les inquiétudes que la réforme suscite en France.
Michael Mann, le porte-parole de l'exécutif européen pour les questions agricoles, a indiqué mercredi que la Commission européenne réfléchit aux moyens de prendre en compte les préoccupations «des producteurs de certaines régions, comme ceux de Provence», relayées par Michel Barnier.
Selon la profession viticole, ce projet de règlement adopté le 27 janvier par les 27 représentants de l'UE, qui prévoit d'autoriser également le coupage entre vin blanc et vin rouge pour l'obtention de rouges plus légers en couleur, s'il était définitivement adopté, mettrait en péril plusieurs dizaines de milliers d'emplois en France, premier producteur mondial de vins rosés (voir l'encadré), en particulier en Provence, grande productrice de rosés.
«Si l'économie du rosé est touchée, ce seront plusieurs dizaines de milliers d'emplois qui seront menacés. Ce serait un revers terrible alors que la consommation de rosé se développe considérablement depuis dix ans», avertit François Millo, directeur du Conseil interprofessionnel des vins de Provence (CIVP).
Michael Mann a toutefois rappelé dans une interview accordée au site Libération.fr et parue mercredi, que les changements œnologiques prévus faisaient partie d'une réforme du secteur du vin européen déjà adoptée par les pays de l'UE fin 2007.
Le 27 janvier dernier, a t-il souligné, lors d'un vote préliminaire, les experts des pays de l'UE ont adopté la réforme sur le coupage. «Apparemment, la France a changé d'avis», alors qu'elle avait voté en sa faveur, a constaté le porte parole.
Un vote définitif doit intervenir le 27 avril en principe, après un avis attendu de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sur la réforme.
L'idée de la Commission est d'autoriser en Europe des pratiques déjà utilisées par ses principaux concurrents dans le monde, en Afrique du Sud ou en Australie.
C'était une demande de la fédération européenne des producteurs de vin, a indiqué Michael Mann. Cette pratique est reconnue et autorisée par l'OIV (Organisation internationale pour le vin). Selon elle, «cela laisse plus de souplesse pour les producteurs et diminue les coûts de production».
Selon un article publié mardi par le quotidien Les Echos, l'objectif de la Commission est de libérer l'UE des «entraves œnologiques» pour s'ouvrir de nouveaux marchés, notamment la Chine.
Le coupage n'est autorisé aujourd'hui dans l'UE que pour certains vins de qualité, comme le champagne.
Une conjoncture favorable pour le rosé français «durant les quinze dernières années» Le projet de directive qui autoriserait la fabrication du rosé bas de gamme par coupage intervient alors que le marché du rosé est en plein essor. La consommation des rosés est passée de 8% à 22% de la consommation totale des vins en France durant les quinze dernières années, selon le CIVP. La production française de rosés, la première au monde (5,9 millions d'hectolitres en 2006, 29% de la production mondiale) devant l'Italie (4,5 millions d'hectolitres), l'Espagne et les Etats-Unis (3,8 millions d'hectolitres), se répartit à 45% en AOC (appellation d'origine contrôlée), à 45% en vins de pays et à 10% en vins de table, selon Viniflhor. Les trois principaux marchés d'exportation des rosés français sont le Royaume Uni, la Belgique et les Pays-Bas, qui absorbent 70% du total des exportations et où la demande a enregistré une nette progression ces dernières années. «La consommation des vins rosés progresse dans de nombreux pays avec des préférences pour les produits de style sucré», indique Viniflhor. |
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