Le Programme européen d'aide aux démunis dont bénéficient des centaines d'organisations caritatives a obtenu lundi un sursis de deux ans, à la suite d'une compromis franco-allemand qui risque toutefois de sceller sa disparition à terme.
« Je suis profondément heureux du déblocage par les Etats membres (de l'UE) des plans de distribution alimentaire aux plus démunis pour 2012 et 2013 », a annoncé le commissaire européen en charge de l'Agriculture, Dacian Ciolos, à l'issue d'une réunion des ministres européens de l'Agriculture à Bruxelles.
Il a promis de faire en sorte « que tout soit prêt afin d'assurer la continuité du programme cet hiver ».
Ces quelque 500 millions d'euros annuels, tirés des fonds agricoles européens et servant des repas à 18 millions de pauvres via les banques alimentaires, étaient menacés dès l'an prochain d'une réduction draconienne à la suite d'un arrêt de la Cour européenne de justice, initié par l'Allemagne.
La Cour a en effet considéré que le programme d'aide (PEAD), fondé en 1987, avait dévié de son objectif initial de redistribution des excédents agricoles, pour ne plus financer que des achats de nourriture, qui relèveraient plutôt de la politique sociale.
L'Allemagne réclamait en conséquence avec le soutien de la Suède, du Royaume-Uni, du Danemark, de la République tchèque et des Pays-Bas, que le programme se limite strictement aux faibles excédents agricoles, ce qui équivalait à sa réduction très nette, voire à sa disparition. Car les surplus agricoles sont en voie de disparition.
Ces six pays formaient une minorité de blocage, qui a volé en éclats lundi quand la ministre allemande de l'Agriculture a annoncé, en marge de la réunion, être prête à une solution transitoire, « par égard pour les organisations caritatives » qui comptent sur ces fonds.
« Mais il faut que ce soit très clair : à partir du premier janvier 2014, il n'y aura pas de politique sociale à l'échelle européenne », a-t-elle posé comme condition.
« Ce qui est en jeu, c'est le principe qu'à l'avenir l'Union européenne ne finance pas de politique sociale », que Berlin considère comme du ressort des Etats, a-t-elle affirmé. L'accord de dernière minute a été trouvé à l'issue d'une difficile négociation, in extremis, entre Mme Aigner et Bruno Le Maire.
La négociation a été « difficile » et « nous avons accepté de reconnaître avec l'Allemagne que les conditions n'étaient pas réunies pour une poursuite de l'aide alimentaire après 2014 pour les prochaines perspectives financières », c'est-à-dire le prochain budget pluriannuel de l'Union européenne qui s'étalera de 2014 à 2020, a admis M. Le Maire.
Selon un diplomate européen, les deux pays s'engagent ainsi à « militer » auprès de la Commission européenne « pour qu'à partir de 2014 le PEAD ne soit plus financé par l'UE ».
Pour se conformer à l'arrêt de la Cour de justice, la Commission européenne avait proposé de financer le PEAD après 2014 sur d'autres fonds que le budget agricole : les fonds dits de « cohésion », au nom desquels l'Europe aide certaines régions plus défavorisées que d'autres.
Bruxelles avait ainsi prévu dans ses perspectives financières 2,8 milliards d'euros pour l'aide aux démunis entre 2014 et 2020.
Mais M. Le Maire a estimé que le compromis trouvé était le seul possible : « Nous n'avons laissé aucune possibilité de côté » pour sauver au moins à court terme ce programme, a-t-il dit.
Les Restos du Cœur a salué lundi une décision « très responsable » qui évite à l'Europe une crise humanitaire.