Une analyse publiée par le ministère de l'Agriculture lundi avance que l'affirmation selon laquelle « la production agricole mondiale doit augmenter de 70 % et doubler dans les pays en développement, d'ici à 2050, pour répondre à la demande de 9 milliards d'habitants » – fondée sur des travaux de la FAO – n'est pas universelle.
Elle ne prend pas suffisamment en compte des aspects sociologiques (régimes alimentaires et santé publique), démographiques, de développement (croissance économique) ou environnementaux, déterminants sur la demande alimentaire, estiment les auteurs de l'analyse, Marie-Aude Even et Céline Laisney.
Elles s'appuient sur la comparaison de quatre travaux de prospective (FAO, Agrimonde/Inra-Cirad, ISV – Institut de socio-écologie de Vienne, IFPRI – Institut international de recherches sur les politiques alimentaires), laquelle « montre une fourchette très large d'estimations de la demande alimentaire future, notamment en produits animaux », écrivent-elles.
Les différents scénarios utilisés envisagent une croissance de la demande alimentaire mondiale entre 2000 et 2050 qui pourrait être comprise entre + 40 % et + 68 % en calories, selon différentes hypothèses d’évolution de la population, des régimes alimentaires ou du gaspillage, elles-mêmes en partie dépendantes des évolutions du contexte économique, politique et social (voir le tableau ci-dessous), relève l'analyse.
Pour les auteurs, ces exercices ne prennent pas assez en compte les incertitudes démographiques et leurs liens complexes avec la croissance économique et la consommation.
« Des incertitudes fortes » y demeurent, qui « interdisent tout pronostic ». La fourchette des hypothèses de consommation individuelle moyenne est comprise entre une stabilisation et une augmentation de près de 30 %, précise l'analyse.
L'évolution de la consommation de produits d’origine animale varie fortement selon le modèle, de - 50 à + 80 %. Finalement, la seule certitude qui ressort de l'analyse, c'est que la demande en produits animaux « exercera une forte tension sur la production agricole future », particulièrement dans les pays en développement, selon le phénomène de « transition nutritionnelle » qu'ont déjà connu les pays développés dans la deuxième moitié du XXe siècle.
Les pays développés connaissent par ailleurs une deuxième transition nutritionnelle à l'inverse (baisse de la consommation de graisse et de viande), sous l'effet des messages nutritionnels, d'hygiène et de bien-être, explique l'analyse.
L’élévation du niveau d’éducation des populations des pays en développement devrait être déterminante en termes de consommation mondiale. La Chine et l'Inde, dont le poids démographique est considérable, sont sous surveillance.
Il faut mobiliser les « leviers (1) permettant d’éviter les scénarios de demande les moins soutenables, conjuguant forte croissance démographique et transition nutritionnelle rapide », martèlent les deux auteurs. Les pays doivent pouvoir « incorporer ces réflexions à leurs stratégies de développement ».
Elles proposent la création d'un « observatoire dynamique de l’alimentation à l’échelle globale », qui pourrait permettre de mieux anticiper et suivre les transitions nutritionnelles et leurs impacts.
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(1) Politiques de développement permettant l’accès à l’éducation et à la contraception, politiques nutritionnelles orientant les comportements alimentaires vers une consommation plus « durable » et plus saine, lutte contre les pertes et le gaspillage, etc.