Le ministre de l'Intérieur et le président de la FNSEA ont appelé jeudi au calme face à une « situation d'extrême tension » à Sivens (Tarn), à la veille d'une réunion du Conseil général sur des solutions de remplacement au barrage controversé.
Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a appelé « solennellement à l'apaisement et à la responsabilité de chacun », face à ce qu'il décrit comme une « situation d'extrême tension » à Sivens, où quelques escarmouches ont opposé mercredi agriculteurs pro-barrage et zadistes. « La France garde en mémoire les conséquences dramatiques des manifestations du mois d'octobre 2014, qui avaient conduit au décès tragique de Rémi Fraisse. Rien ne saurait justifier de nouveaux déferlements de violence susceptibles de conduire à de nouveaux drames », a ajouté le ministre dans un communiqué, en référence à la mort du jeune écologiste, tué le 26 octobre par une grenade des gendarmes.
Bernard Cazeneuve a demandé au préfet l'interdiction des manifestations vendredi à Albi en marge du débat au Conseil général sur le projet du barrage de Sivens, a-t-il annoncé jeudi au Sénat. « J'ai donné instruction au préfet » que les manifestations ne soient pas autorisées, « compte tenu des risques graves auxquels s'exposeraient les manifestants, pour leur intégrité physique », et en raison « du climat de violence », a affirmé M. Cazeneuve lors des questions d'actualité au gouvernement.
Mercredi, des agriculteurs pro-barrage, qui maintiennent depuis samedi le blocus de la « zone à défendre » (ZAD) instaurée en octobre 2013 à Sivens, avaient pénétré sur le site du chantier de la retenue d'eau où vivent encore une quarantaine de zadistes. Zadistes et pro-barrage se sont mutuellement accusés d'agressions, de dégradations et d'intimidations. La préfecture a cependant assuré qu'aucune « confrontation directe » n'avait eu lieu, mais seulement « quelques épisodes de tension et quelques dégradations ».
Jeudi, la situation était calme sur place, a constaté une journaliste de l'AFP. Mais des renforts ont été déployés, portant à « 300 environ » le nombre des gendarmes aux alentours de Sivens, selon la préfecture. « On est dans la logique de l'apaisement et du calme », a-t-on précisé de même source, démentant des informations de la presse locale sur une évacuation imminente.
Xavier Beulin « craint le pire »
La FNSEA, qui soutient le projet de retenue d'eau à Sivens, a elle aussi appelé jeudi « au calme et à la responsabilité » par la voix de son président, Xavier Beulin, qui qualifie la situation d'« explosive ». « Ce n'est pas aux agriculteurs de faire évacuer la zone mais à la puissance publique de tout mettre en œuvre si la décision est positive demain », vendredi, a déclaré à l'AFP M. Beulin, affirmant « craindre le pire » à la veille d'un débat au Conseil général à Albi sur des projets alternatifs à la retenue d'eau contestée. Pro- et anti-barrage ont annoncé des manifestations à Albi au moment des débats du Conseil général.
Le Collectif Testet, qui regroupe des opposants à la retenue d'eau, dénonce « l'attitude extrémiste de la FNSEA qui veut poursuivre un modèle agricole productiviste qui ne survit plus qu'avec les subventions publiques ». « Le Collectif Testet demande au gouvernement de faire cesser le blocus de la Zad et les violences commises par les FDSEA/JA (Jeunes Agriculteurs) contre des citoyens ayant montré la pertinence de leur combat d'intérêt général », souligne le Collectif dans un communiqué.
Le Conseil général du Tarn doit débattre vendredi 6 mars de deux alternatives à la retenue d'eau initialement envisagée, et enterrée par la ministre de l'Écologie. Ségolène Royal avait présenté, à la mi-janvier, deux solutions de remplacement : un Sivens « light » visant un réservoir réduit de moitié environ, soit 750.000 m³, ou un ensemble de quatre retenues plus petites, une à Sivens et trois autres non loin.
Le président socialiste du Conseil général, Thierry Carcenac, a déjà fait part de sa préférence pour la première solution. Mais aucune option ne satisfait ni les pro-, ni les anti-barrage : les écologistes demandent « de nouvelles études » pour prouver qu'il est possible d'utiliser les retenues qui existent déjà aux alentours alors que les pro-barrage exigent « au minimum » une retenue de 1 million de mètres cubes environ.
« Abandonner tout ouvrage sur le site actuel » (Confédération paysanne)
La Confédération paysanne « dénonce l'attitude des partisans du projet initial, agissant en milices, et qui n'a que trop duré. Ces pro-barrage [...] ne se soucient guère du bien public et des intérêts de l'ensemble des citoyens », écrit le syndicat dans un communiqué du 5 mars 2015.
« La Confédération paysanne souhaite l'abandon de tout ouvrage sur le site actuel. Elle se prononce pour la réalisation de retenues collinaires de tailles adaptées au soutien du Tescou et aux besoins des fermes situées en coteaux. »
« Les conséquences du changement climatique ne pourront être compensées par un accroissement démesuré de l'irrigation mais par un changement des pratiques agricoles. »