Le Parlement a adopté définitivement mercredi, par un ultime vote de l'Assemblée nationale, la nouvelle carte de France à 13 Régions malgré la colère toujours véhémente des UMP alsaciens contre la fusion de leur Région avec Champagne-Ardenne et Lorraine.
Cette réforme, qui entrera en vigueur au début de 2016, a été voulue par François Hollande dans le but de redessiner la France pour plusieurs décennies avec des Régions de « taille européenne » et moteurs du développement économique.
Dans un ultime vote, les députés ont adopté le texte par 95 voix pour, 56 contre et 11 abstentions. Le Front de gauche, les radicaux de gauche, les écologistes, l'UMP et l'UDI ont majoritairement voté contre « des regroupements forcés » alors que les socialistes ont voté pour. Après six mois de débat et trois lectures dans chaque chambre, c'est donc la vision du groupe socialiste à l'Assemblée qui s'est imposée, là où le gouvernement avait proposé 14 Régions et où le Sénat en voulait 15 au lieu des 22 actuelles.
Si elle n'est pas « parfaite », cette carte « a sa cohérence », s'est félicité le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui y voit « un message d'espoir pour ceux qui croient en la nécessité des réformes ».
Vive opposition en Alsace
La nouvelle carte fusionne l'Alsace avec la Lorraine et la Champagne-Ardenne, le Nord-Pas-de-Calais avec la Picardie, et le Midi-Pyrénées avec le Languedoc-Roussillon, trois fusions contestées, surtout la première. Les autres regroupements ont été moins polémiques (le Poitou-Charentes avec le Limousin et l'Aquitaine, la Bourgogne et la Franche-Comté, le Rhône-Alpes avec l'Auvergne), voire enthousiastes (les deux Normandies).
Cette réforme suscite toujours une vive opposition en Alsace : à quatre reprises depuis la mi-octobre, des manifestations ont rassemblé plusieurs milliers de personnes, inquiètes pour la préservation de leur identité régionale. Et, selon le quotidien L'Alsace, une quinzaine de communes ont même suivi mardi l'appel du président du conseil général du Haut-Rhin à faire sonner les cloches ou la sirène des pompiers à 18 heures... « Les socialistes n'ont jamais aimé l'Alsace », a encore tempêté mercredi l'UMP Eric Straumann, provoquant la colère d'Armand Jung (PS), pour qui « personne n'a le monopole de l'Alsace ».
Les parlementaires de l'UMP vont déposer dès jeudi un recours devant le Conseil constitutionnel, arguant « qu'on ne peut pas toucher au périmètre d'une collectivité territoriale sans avoir préalablement consulté cette collectivité ». Seule consolation pour les Alsaciens : Strasbourg a déjà été désignée comme le siège de la future préfecture de Région alors que, pour les autres Régions, le chef-lieu sera désigné par décret après avis de l'assemblée de la nouvelle Région.
Après la carte, la réforme des compétences
Le texte modifie aussi le mécanisme permettant à un département de changer de Région en abrogeant la condition du référendum local. Ce « droit d'option » sera permis entre 2016 et 2019. Mais ce changement de Région devra obtenir l'aval des deux conseils régionaux concernés, ainsi que du conseil départemental à une majorité des trois cinquièmes.
Ce seuil de 60 % a été critiqué comme un « verrou législatif » par les écologistes comme les députés bretons qui, sur tous les bancs, rêvent d'une « réunification de la Bretagne à cinq départements » en y incluant la Loire-Atlantique, actuellement au sein des Pays de la Loire. Le texte repousse enfin les élections régionales de mars à décembre 2015, les départementales restant fixées en mars 2015.
Mais les parlementaires sont loin d'en avoir fini avec le chantier de la réforme territoriale. Le Sénat a entamé cette semaine le débat sur l'autre volet, celui de la refonte des compétences des Régions et des départements, plus technique mais qui promet d'être tout aussi polémique. Le gouvernement voudrait réserver aux Régions le développement économique et aux départements la solidarité sociale et territoriale. La réforme transfèrerait aux Régions la gestion des collèges, du transport scolaire, des routes et ports départementaux.
« 5 à 10 % d'économies en dix ans »
Mais il n'est plus question de supprimer tous les conseils départementaux à l'horizon de 2020 comme initialement envisagé par François Hollande. Le gouvernement veut aussi une restructuration des intercommunalités d'ici à la fin de 2017, avec un seuil minimal qui passerait de 5.000 habitants à 20.000 pour chacune, moyennant de la souplesse en zone peu dense (montagne...).
Au total, le secrétaire d'Etat à la Décentralisation, André Vallini, espère de la réforme territoriale « 5 à 10 % d'économies en dix ans ».