Pour la commission de l'agriculture du Parlement européen, le bilan de santé de la Pac doit permettre de consolider les dernières réformes, sans réduire davantage les crédits de son premier pilier (soutiens au marché), ni appliquer de dégressivité discriminatoire sur les aides directes. Il faut aussi prendre en compte les spécificités des régions en difficulté et des secteurs sensibles comme l'élevage et simplifier davantage les règles pour les agriculteurs.
Le rapport de Lutz Goepel (PPE-DE, DE), adopté le 26 février à une très large majorité par la commission de l'agriculture, approuve avec certaines précisions et nuances, les grandes lignes de la communication de la Commission européenne sur le bilan de santé de la Pac, à l'exception des projets relatifs à la dégressivité des aides directes reçues par les plus grandes exploitations et à la modulation supplémentaire importante de crédits du premier pilier, vers le deuxième (développement rural).
Il souligne par ailleurs que tout changement au système d'aides directes (découplage des aides de la production et détachement des références historiques) et l'augmentation des quotas laitiers devront être appliqués dans les Etats membres sur base volontaire. Pas moins de 636 propositions amendements au projet du rapporteur avaient été déposés, mais des compromis négociés entre les groupes politiques dans le but de faciliter le vote ont permis aux députés de trouver des terrains d'entente sur les questions importantes.
Ainsi, la commission de l'agriculture est favorable à ce que les Etats membres disposent, s'ils le souhaitent, de plus de flexibilité pour détacher davantage les aides directes de leurs références historiques au niveau national. Elle demande une étude d'impact sur la mise en place d'une prime à l'hectare, en particulier pour les élevages intensifs.
Les députés approuvent aussi le principe d'une accélération du découplage des aides de la production et, plus prudemment, celui de l'intégration éventuelle, après des études d'impact poussées et une période de transition appropriée, d'autres productions végétales (fourrages, lin, chanvre, fécule de pomme de terre) dans le régime de paiement unique. Ils posent toutefois une condition: cela ne doit pas mettre en cause l'existence de ces productions qui sont très importantes pour certaines régions.
Par contre, ils estiment que les primes animales spéciales ne devraient pas être modifiées pour le moment, compte tenu des difficultés du secteur de l'élevage à la suite de la hausse exceptionnelle du prix des fourrages. Ils demandent à la Commission européenne de préparer une stratégie globale pour sauvegarder la production animale dans l'UE sur le long terme.
Selon les députés, l'obligation de mise en jachère, tout comme les paiements directs sans conditionnalité, n'a plus de raison d'être. En revanche, ils rejettent tout élargissement du champ d'application de la conditionnalité tant que des progrès significatifs n'ont pas été accomplis dans la voie de la simplification et de l'harmonisation des contrôles.
Les députés sont favorables à la réduction à zéro de l'intervention pour les céréales (sauf pour le blé), et plus généralement, à ce que l'actuel système d'intervention soit remplacé par un filet de sécurité dans les situations de crise qui risquent de se multiplier notamment du fait du changement climatique.
Ils estiment que des systèmes d'assurance privée ou mixtes devraient être développés d'urgence avec le soutien de financements publics, en veillant à ce que les Etats membres restent sur un pied d'égalité. Ils appellent Bruxelles à envisager l'introduction future d'un système européen de réassurance pour les désastres climatiques ou environnementaux et soulignent que les mesures de prévention des risques devraient être financées dans le cadre du premier pilier.
Par ailleurs, la commission de l'agriculture rejette, dans sa forme actuelle, la dégressivité des aides directes des plus grandes exploitations proposée par la Commission européenne. Elle invoque l'absence de lien clair entre la taille et la richesse des exploitations. Elle souligne que cette proposition ne prend pas en compte l'effectif des exploitations et qu'elle désavantagerait les plus grands établissements de manière injustifiée.
Elle s'oppose aussi à la modulation supplémentaire de crédits du premier pilier vers le second avancée par la Commission, qui équivaudrait à une réduction de 8% des paiements directs aux agriculteurs jusqu'en 2013. A la place, les députés estiment qu'une modulation progressive pourrait être envisagée après étude d'impact de ses conséquences pour les exploitations (structure, emplois, coûts du travail, etc.).
Les fonds générés seraient distribués selon les règles appliquées actuellement aux crédits issus de la modulation obligatoire et devraient demeurer dans les régions où Etats membres où ils ont été prélevés. Cette modulation progressive, applicable sur la période 2009-2013, consisterait en une réduction de 1% sur un total d'aides directes situé entre 10.000 et 100.000 euros, 2% entre 100.000 et 200.000 euros, 3% entre 200.000 et 300.000 euros et 4% pour plus de 300.000 euros.
Pour la commission de l'agriculture, l'actuel mécanisme de l'article 69, qui permet aux Etats membres de retenir et de réaffecter jusqu'à 10% des aides directes à leurs agriculteurs dans le cadre du premier pilier, devrait être revu de façon à ce que les crédits prélevés soient consacrés en priorité au maintien de l'élevage dans les zones montagneuses, soumises à des pénuries d'eau, humides ou défavorisées, à la restructuration de secteurs clé (élevage bovin, production laitière, secteur ovin), à des aides environnementales à la surface (agriculture biologique par ex.) et à la gestion des risques. La dotation de cet article 69 révisé pourrait être portée jusqu'à 12% dans les Etats membres qui le souhaitent.
Enfin, conscient que le système actuel de quotas ne sera probablement pas reconduit dans sa forme actuelle après 2015, la commission de l'agriculture appelle la Commission européenne à présenter un plan convaincant assurant la continuité de la production laitière en Europe, y compris dans les zones montagneuses où en difficulté. Elle rappelle les demandes faites par le Parlement en juillet 2007 dans le cadre du mini-paquet laitier relativement aux mesures de marché et à un programme de restructuration. Enfin, les députés se prononcent pour une augmentation de 2% pour la campagne 2008/2009 sur base volontaire dans chaque État-membre.