La libéralisation du commerce mondial prévue par le cycle de Doha négocié à l'OMC ne devrait pas, si elle aboutit, être en mesure d'empêcher une nouvelle crise alimentaire, a estimé mercredi le rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à s'alimenter.
«Même si Doha réussit dans deux ou trois ans, une nouvelle crise (alimentaire) se répétera car les problèmes structurels ne seront pas résolus», a expliqué Olivier De Schutter, en présentant à la presse les premières conclusions d'un rapport sur les conséquences pour l'agriculture des règles de l'OMC.
«Le problème est très simple: les droits de l'homme à s'alimenter sont totalement absents du commerce international», a résumé M. De Schutter, expliquant pourquoi «les accords (en vigueur) sur l'agriculture ont échoué à résoudre les problèmes de l'alimentation dans le monde.»
Pour preuve, avance-t-il, «depuis 2005, 100 millions de personnes de plus dans le monde souffrent de la faim». Aujourd'hui, quelque 963 millions de personnes ne mangent pas à leur faim sur la planète, dont la moitié sont des petits producteurs agricoles. Ces derniers devraient être les principaux bénéficiaires des accords sur l'agriculture, a expliqué le rapporteur de l'ONU.
Mais dans les faits, «le commerce international a favorisé un petit groupe de producteurs parmi les plus puissants dans le monde», a-t-il constaté.
Ce problème n'est pas le seul. La libéralisation du commerce agricole, telle qu'elle est actuellement pratiquée et prévue, implique un certain nombre «de coûts cachés» ignorés à l'OMC, a encore indiqué le rapporteur de l'ONU, qui doit présenter en mars son rapport final sur la question, premier du genre.
D'une part, elle pousse les pays émergents à construire leur économie sur des exportations agricoles génératrices de devises et à négliger leur autosuffisance. Ce qui les rend «très vulnérables aux fluctuations des prix mondiaux».
D'autre part, les pays les moins riches souvent ouverts au commerce alors qu'ils ne sont pas prêts, sont confrontés à une baisse des cours agricoles nationaux avec l'afflux de produits importés, frappant leurs paysans dont la productivité est loin d'atteindre celles des grands pays industrialisés.
«La priorité des pays en développement doit être de produire pour leur marché local», a martelé l'expert belge.
Enfin, M. De Schutter s'est inquiété des coûts environnementaux que l'ouverture des marchés induit avec l'augmentation des transports, et l'intensification de productions consommatrices d'eau et appauvrissant les sols. Sachant que l'agriculture est déjà responsable de 30% des émissions globales de gaz à effet de serre (GES).
«C'est pourquoi il faut totalement repenser le cycle de Doha» pour tenir compte d'éléments non commerciaux, tels que l'environnement et le social, a-t-il fait valoir.