Plusieurs milliers de viticulteurs étaient rassemblés mercredi à Montpellier à l'appel du Syndicat des vignerons du Midi, pour crier leur «angoisse» face à la crise qui touche leur secteur depuis plusieurs années et réclamer des aides à l'hectare (DPU) au gouvernement.
«Nous sommes ruinés mais nous sommes encore debout», a crié à la foule Philippe Vergnes, président du Syndicat des vignerons du Midi. Sur l'esplanade du Peyrou, où la foule était massée à partir de 15 heures avant un défilé dans les rues de la ville jusqu'à la place de la Comédie en passant par le quartier de la gare, les manifestants avaient disposé un cercueil avec une couronne mortuaire, à la mémoire du «dernier vigneron». Celui-là même qui doit traverser «la crise la plus terrible de son histoire», selon les propos de P. Vergnes.
«Depuis 2004, la viticulture traverse la crise la plus terrible de son histoire», a-t-il assuré devant les manifestants. «Les vignerons sont dans le désarroi le plus total»; ils se sentent «abandonnés, sans perspective d'avenir». Il ne faudra «pas s'étonner» si certains vignerons «se révoltent ou se laissent aller à la désespérance», a précisé le leader syndical.
Des viticulteurs des six départements où le Syndicat des vignerons du Midi compte des adhérents – Pyrénées-Orientales, Aude, Hérault, Gard, Drôme et Vaucluse – mais aussi du Beaujolais ou du Bordelais étaient présents dans la foule où l'on pouvait remarquer de nombreux élus ceints de leurs écharpes, des députés et sénateurs des départements concernés.
Selon les organisateurs avant la manifestation, 5.000 vignerons devaient faire le déplacement. En marge de la manifestation, près de 500 représentants des forces de l'ordre devaient encadrer les actions de la journée, et jusque dans la nuit, pour prévenir d'éventuels débordements, selon la journaliste de France 3 présente sur les lieux.
Les «Vignerons du Midi sont économiquement morts», a encore lancé Philippe Vergnes, avant le défilé. Et d'insister sur la nouvelle récolte de 2009 en recul par rapport à celle de 2008, déjà la plus faible que la région ait connue. «La situation ne s'améliorera que si le prix du vin remonte», a-t-il constaté.
S'adressant directement au président de la République, Nicolas Sarkozy, Philippe Vergnes lui a demandé, «devant l'urgence de la situation, des réponses appropriées et immédiates». «A quand l'intégration de notre viticulture sous le label du commerce équitable?», a ironisé, non sans amertume, le leader syndical.
Philippe Vergnes avait déjà souligné les jours précédents que les viticulteurs perdaient 1.000 euros par hectare et par an, et que leur revenu avait considérablement chuté entre 2007 et 2008, de 70% en moyenne, notamment de 88% dans l'Aude et 85% dans l'Hérault ou encore 76% dans le Gard, citant des chiffres du ministère de l'Agriculture. A présent, «on survit avec les cours du vin de 1985», indique P. Vergnes.
«Aujourd'hui, les vignerons doivent de l'argent partout: à la Mutualité sociale agricole, aux banques et aux fournisseurs», a-t-il commenté, avant que le cortège ne s'ébranle dans les rues de Montpellier au son des explosions des cannes à feu remplies de soufre frappées sur la chaussée.
Philippe Vergnes a souligné que les aides annoncées pour l'agriculture le 27 octobre 2009 par le président de la République n'étaient pas adaptées à la viticulture. Il a réclamé que les viticulteurs puissent recevoir une part des aides à l'hectare (DPU) attribuées aux agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune.
«Il aurait été plus efficace d'accorder les DPU à la viticulture au début de 2009 lorsque c'était encore possible. Ces aides à l'hectare auraient pu aider à sortir les vignerons du marasme», a-t-il souligné. «Nous n'avons pas été entendus, dont acte.»
Le président des Vignerons du Midi a notamment suggéré que ces aides interviennent dans le cadre d'un «partenariat financier», un tiers demeurant à la charge de l'Union européenne, un autre étant assuré par l'Etat et le troisième tiers serait alloué par les collectivités territoriales. Le président de la Région Languedoc-Roussillon, Georges Frêche, a «donné ce matin son accord de principe», a précisé P. Vergnes, dans son intervention devant les manifestants.
«Les vignerons ne sont pas en mesure d'attendre 2013» et les renégociations de la Pac, a insisté P. Vergnes. «Ce ne sont pas de prêts bancaires dont nous avons besoin, mais bien de mesures immédiates, appropriées à l'urgence de notre situation», a-t-il dit à l'adresse de Nicolas Sarkozy.
Il a aussi dénoncé les marges pratiquées par la grande distribution, de «60% sur le vin», et réclamé 15 centimes de mieux à la bouteille au bénéfice des viticulteurs, ce qui leur redonnerait «un peu d'espoir» et «de quoi changer le pneu du tracteur ou payer [son] assurance» . La grande distribution «se gave» et «assassine» les viticulteurs, a déploré P. Vergnes. «Ayez le courage d'intervenir», a-t-il lancé à l'attention de Nicolas Sarkozy.
Parmi les revendications du Syndicat des vignerons du Midi figurent également le dégrèvement des taxes foncières, un allègement des cotisations sociales et des mesures concernant l'assurance maladie.
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