La culture du lin se retrouve fragilisée par la chute des achats des filateurs chinois, elle-même provoquée par la réduction des ventes de textiles en Occident sous l'effet de la crise.
Aux Teillages Bellet à Raffetot (Seine-Maritime), les machines et les hangars respirent le neuf mais le patron fait grise mine. L'entreprise a beaucoup investi ces dernières années pour faire face à la demande mais depuis plusieurs mois les balles de lin teillé s'empilent sans trouver preneurs.
La raison? Les filateurs chinois qui sont devenus au cours de la dernière décennie les acheteurs quasi exclusifs du lin teillé européen font aujourd'hui défaut. «Les achats chinois qui ont atteint un pic de 110.000 tonnes lors de la campagne 2005-2006 ont depuis chuté et pourraient tomber à 50.000 tonnes à l'issue de la prochaine (campagne 2008-2009)», craint Franck Bellet, qui dirige la petite entreprise de Raffetot fondée par son grand-père.
Ce retournement, aggravé par la récolte de 2007 médiocre en qualité, trouve son origine dans la chute des ventes de vêtements en lin en raison de la crise. «En période de crise, le textile n'est pas un achat prioritaire pour le consommateur», constate Laurent Vallée, responsable technique à la Linière du Ressault au Neubourg (Eure).
Les Etats-Unis, qui absorbent la moitié de la production mondiale, ont été les premiers touchés dès le début de 2008. «La baisse des ventes s'est ensuite étendue à l'Europe à la faveur de la crise financière devenue une crise de confiance des consommateurs face à l'avenir», explique Gabriel Bénard, président de la coopérative Agylin d'Yvetot (Seine-Maritime).
Cette chute des ventes s'est ensuite répercutée à rebours sur tous les maillons de la chaîne. «D'après nos informations, les Chinois ont arrêté beaucoup de filatures après en avoir ouvert en trop grand nombre ces dernières années sans souci du marché final», assure M. Bellet.
En Normandie, où se concentre près de la moitié de la production du lin européen, les teilleurs qui emploient un millier de salariés ont été les premiers à réduire la voilure. La Linière du Ressault a programmé du chômage partiel une semaine sur six, Agylin n'a pas renouvelé ses contrats d'intérim ni remplacé ses départs à la retraite, et Les Teillages Bellet ont différé la mise en service d'une nouvelle ligne de production.
L'interprofession a décidé en octobre une baisse draconienne des surfaces cultivées, de l'ordre de 35% pour les semis de 2009, afin d'enrayer la chute des prix et éviter le gonflement des stocks.
Les acteurs de la filière se refusent toutefois au défaitisme et vont renforcer les moyens pour promouvoir une matière qui connaissait une embellie spectaculaire depuis une quinzaine d'années avec le transfert de la transformation en Chine. Les prix avaient baissé et le lin jusqu'alors considéré comme un produit de luxe était devenu beaucoup plus accessible.