Les négociations en cours entre distributeurs et fournisseurs sont tendues cette année, avec une nouvelle loi donnant plus de pouvoir à la distribution, qui désormais agite très facilement l'arme fatale: le retrait des articles dont les industriels ne baissent pas assez les tarifs.
A partir de cette année, et pour la première fois depuis des décennies, les distributeurs sont autorisés à négocier les tarifs des fournisseurs, dans le cadre d'une réforme censée faire baisser les prix à la consommation.
Les négociations sur les tarifs pour l'année en cours doivent s'achever le 28 février 2009 et tous les contrats doivent être signés à cette date.
«Nous n'accepterons aucune augmentation de tarifs et irons jusqu'au déréférencement» (retrait des produits des rayons des magasins), prévient Eric Mozas, président des enseignes alimentaires du groupement Les Mousquetaires (Intermarché, Netto).
Ce groupement a donné le ton en décembre en retirant des produits Bonduelle de ses rayons, tout comme Carrefour, qui ne vend plus depuis quelques semaines de céréales Kellogg's, dans l'attente de trouver une «terrain d'entente sur les tarifs».
«Il y a des menaces de déréférencements, de suspension de commandes, d'interruptions de promotions sur tel ou tel produit. Ce n'est jamais définitif mais cela se traduit toujours en pertes de chiffre d'affaires pour les deux parties», indique Olivier Desforges, président de l'Institut de liaison et d'études des industries de consommation (Ilec), qui rassemble des grandes marques (Tropicana, Nivea, Colgate, La Vache qui rit...).
L'an dernier, Leclerc, qui a la réputation d'être le plus dur en négociation, avait retiré de ses rayons six produits de grandes marques, dont les fromages La Vache qui rit et les sirops Pulco, accusant les fournisseurs de réclamer des hausses de tarifs sur ces produits allant de 18,29% à 20,63%.
Cette année, les hausses de tarifs sont moindres, mais le leitmotiv des distributeurs est de refuser toute augmentation, puisque les cours des matières premières agricoles et du pétrole ont reculé. Et de promettre de répercuter sur les étiquettes la totalité des baisses consenties par les fournisseurs.
En attendant, distributeurs et industriels s'accusent de ne pas vouloir suivre les nouvelles règles de négociation, les premiers se plaignant de tarifs trop élevés et les seconds pointant les marges des grandes surfaces.
«Le mécanisme juridique est modifié. Il reste à modifier les pratiques aussi car on constate que certains fournisseurs souhaitent, comme avant, faire passer des hausses de tarifs beaucoup trop élevées», soutient Jérôme Bédier, président de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Les fournisseurs réclameraient des tarifs en hausse jusqu'à 6% par rapport à 2008, selon les distributeurs.
«C'est faux. Les augmentations de tarifs sont limitées, entre 0 et 2%», rétorque Jean-René Buisson, président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania).
Les PME consentiraient des baisses de plus de 10% pour les produits laitiers comme le beurre ou le yaourt, selon la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France, qui défend les petits fournisseurs face à la grande distribution.
Pour le moment, les grandes surfaces ne promettent aucune baisse des étiquettes pour les produits alimentaires en 2009, après une augmentation de 3,6% en 2008 selon l'Insee. Cependant, «les négociations pourraient permettre de faire baisser les prix», estime M. Bédier.