Faux étiquetage, trafic sur l'origine, ajouts de sirop de sucre : environ 10 % du miel contrôlé et commercialisé en France est frauduleux, selon le Centre d'études techniques apicoles de la Moselle (Cetam), seul laboratoire français indépendant de contrôle du miel.
« La grande majorité des miels concernés sont les produits à très bon marché vendus en grandes surfaces. Jusqu'à 10 % des échantillons qui nous sont envoyés chaque année pour analyses sont douteux », déclare Paul Schweitzer, directeur du Cetam et spécialiste des pollens.
A l'origine de la fraude, du miel importé de la Chine, mais aussi de l'Europe de l'Est, réétiqueté entre autres « origine France » à son entrée sur le territoire. « Les miels qui ont subi des adultérations et de qualité douteuse viennent essentiellement de l'Asie, de la Chine en particulier. Le phénomène concerne aussi les miels d'acacia de la Hongrie, la Bulgarie, la Roumanie ou encore de la Pologne », précise le porte-parole de l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), Henri Clément.
Avec 300.000 tonnes produites par an, la Chine est aujourd'hui le premier producteur de miel au monde.
Selon l'Unaf, la hausse des importations de miel, encouragée par une baisse forcée de la production hexagonale, en grande partie due à l'utilisation d'insecticides entraînant la mort de plus de 300.000 colonies d'abeilles par an, favorise la fraude. « En quinze ans, la production de miel en France a été divisée par deux, notamment à cause des pesticides, tandis que les importations, elles, ont été multipliées par trois », souligne Henri Clément. En 1995, la France produisait 33.000 tonnes de miel par an, contre 16.000 en 2012, et elle importait 7.000 tonnes, contre 26.000 tonnes l'année dernière.
« L'Allemagne est la plaque tournante du miel. Certains produits chinois arrivent par le port de Hambourg, qui centralise le négoce du miel, et en repartent étiquetés français ou espagnols ! », regrette Henri Clément.
Pour les spécialistes, la supercherie est détectable grâce aux traces de pollens présents dans le miel. « Ce pot, par exemple, est étiqueté "origine UE". Or, on y trouve des traces de pollen de théier : ce produit a donc très certainement été produit en Asie », affirme Paul Schweitzer, après analyse pollinique au microscope.
Du sirop de sucre à la place du miel
La fraude ne concerne pas seulement l'origine du miel, mais aussi sa composition. Selon les analystes du Cetam, certains produits vendus comme du miel sont en fait fabriqués grâce des ajouts de sirop de sucre. « La législation limite la quantité de sucre dans le miel, mais elle se base sur la quantité de saccharose contenu dans le produit alors qu'aujourd'hui, la plupart des sucres sont composés de maltose », explique Paul Schweitzer.
Un décret de 2003 prévoit en effet qu'un miel commercialisé ne doit pas contenir plus de 5 % de saccharose, glucose ou fructose, du sucre naturel tiré de la canne à sucre ou de la betterave. Or, cette mesure ne limite pas les quantités de sucres industriels, fabriqués à base d'amidon de céréales et principalement du maïs (maltose).
« Au kilo, le miel peut être vendu entre 1,50 euro et 10 euros, selon que c'est du miel toutes fleurs ou du miel par exemple d'oranger. Cela peut donc devenir très avantageux de transformer son origine ou d'en remplacer une partie par un mélange d'eau et de sucre », conclut Paul Schweitzer.
Selon l'Unaf, les Français consomment en moyenne 40.000 tonnes de miel par an, soit 600 grammes par an et par habitant, plus que la production annuelle des apiculteurs français.
Le Centre d'études techniques apicoles de la Moselle, conventionné par FranceAgriMer (ministère de l'Agriculture), analyse environ 3.000 types de miels différents par an.