«Les prix des engrais devraient se maintenir à leur niveau actuel d'ici les 18 prochains mois», a pronostiqué mardi Daniel Grasset, président de l'Unifa (Union des industries de la fertilisation), lors de la présentation du bilan de la campagne 2007-2008.
Principale raison: l'offre en éléments fertilisants est limitée, elle progresse moins vite que la demande du fait d'investissements insuffisants ces vingt dernières années. C'est notamment le cas en phosphate et phosphore. «Les investissements dans ce secteur sont lourds et longs à se mettre en oeuvre, explique Daniel Grasset. La situation de tension sur les approvisionnements se prolongera donc au moins pendant trois ou quatre ans.»
Parallèlement, la demande au niveau mondial est très forte. Ainsi, la consommation d'engrais a progressé d'environ 25 Mt d'azote en 20 ans, pour passer à plus de 96 Mt, dont 62% en Asie et 11% en Europe de l'Ouest. «Notre marché a perdu de l'influence sur le marché mondial et certaines décisions de pays asiatiques (taxes à l'exportation, subventions aux agriculteurs) peuvent immédiatement avoir un effet violent et rapide sur les prix et les importations», détaille le président de l'Unifa. L'Inde est par exemple le pays qui conditionne le prix du phosphate au niveau mondial.
Malgré ce contexte de prix élevés, les livraisons françaises d'éléments fertilisants ont progressé sur la campagne 2007-2008, comparé à l'année très creuse de 2006-2007. En azote, les livraisons retrouvent le niveau de 2001-2002, alors qu'en P et K les progressions constatées ne compensent pas le recul constant observé depuis 1992. Selon l'Unifa, le fort niveau des livraisons, particulièrement en avril 2008 pour les engrais simples phosphatés et les composés P-K correspond à une anticipation importante, alimentant des stocks en hausse en fin de campagne. Du début de janvier à la fin d'avril 2008, 30.000 tonnes de P2O5 supplémentaires ont été livrées par rapport à 2007, détaille l'Unifa. Cette anticipation mise à part, la progression de l'élément P2O5 serait de +8,5% alignée sur celles de l'azote et du potassium.
L'Unifa explique ces hausses par une conjoncture agricole favorable en 2007-2008 avec des prix élevés. Les trésoreries meilleures ont incité à réinvestir en P et K. Les surfaces cultivées ont progressé de 4% environ avec la suppression de la jachère, qui a été remplacée par des cultures exigeantes en azote. Par ailleurs, les rendements prévus par les agriculteurs étant nettement en hausse et dès le mois de février, on a assisté à une hausse des livraisons d'azote quelle que soit la forme.
Malgré la satisfaction de voir les livraisons d'engrais progresser, les industriels s'inquiètent de la pression des importations. En juillet 2008, les droits antidumping sur l'ammonitrate en provenance de Russie ont été renouvelés. Cependant, les principaux exportateurs ont pu obtenir un régime dérogatoire et peuvent donc exporter jusqu'à 12% du marché total. Les industriels proposaient une part de marché limitée à 6%, «du fait d'un écart toujours aussi important du prix du gaz». Ils craignent par ailleurs que les avantages concédés à l'Ukraine et à la Géorgie ne soient plus importants que le durcissement tout relatif de l'UE vis-à-vis de la Russie.
