L'Institut national de la recherche agronomique (Inra) a rendu public une expertise scientifique collective (Esco) sur les flux d'azote liés aux élevages le 19 janvier 2012.
Cette étude, commandée par les ministères de l'Agriculture et de l'Environnement en 2010, propose des pistes d'amélioration pour réduire les émissions azotées des élevages. Cette restitution a aussi été l'occasion d'organiser une table ronde avec des éleveurs, France Nature Environnement et l'agence de l'eau Loire-Bretagne, notamment.
L'expertise a rassemblé des bioclimatologues, des zootechniciens, des agronomes, des économistes, des sociologues et des juristes. Ces chercheurs ont rassemblé 1.330 publications et rapports, dont un tiers relèvent des sciences économiques et sociales. La majorité de ces références portent sur les nitrates. Mais le nombre de celles concernant les émissions d'ammoniac progressent.
L'Esco conclut que l'élevage a un rôle central dans les flux d'azote et leurs impacts. Et que les préoccupations sur les émissions d'azote ne se limitent plus aux nitrates, mais s'élargissent à l'ammoniac. « Il s'agit de faire un bilan de l'état des connaissances scientifiques, détaille Claire Sabbagh, de l'Inra. Ce qu'on sait, ce qu'on ne sait pas, ce qui est lacunaire. L'expertise ne rend ni avis, ni recommandations mais des leviers ou des marges de manœuvre qui ne sont pas prescriptives. »
Les chercheurs estiment la contribution de l'élevage à 25-30 % des émissions nationales de nitrates, à 80 % pour l'ammoniac et 35-40 % pour le protoxyde d'azote en comptabilisant uniquement les émissions issues des effluents d'élevage. Ces pourcentages montent à 50 %, 90 % et 70 % quand on tient compte des engrais chimiques utilisés pour produire les aliments destinés aux animaux.
Parmi les pistes évoquées pour réduire les émissions azotées des élevages, les chercheurs proposent d'améliorer la capacité des systèmes d'élevage à transformer l'azote qui entre dans l'exploitation en protéines animales. Ils considèrent aussi que des « marges de progrès importantes résident dans les modalités de gestion des effluents et leur recyclage par les cultures. Une approche plus radicale consiste à réduire très fortement les entrées d'azote. » Sont aussi cité le développement des prairies à base de légumineuses, le rôle des Cipan et les rotations.
A l'échelle du territoire et non plus de l'exploitation, les chercheurs mettent en avant le traitement des effluents dans les régions en excédents structurels pour exporter des engrais organiques. Ils évoquent aussi « sur des territoires vulnérables à fort enjeu environnemental, des expériences de réorganisation des activités avec un développement de la forêt, des prairies, de systèmes à bas intrants qui ont permis des réductions très significatives de la concentration en azote dans l'eau. La déconcentration des élevages avec une relocalisation partielle des productions est encore peu étudiée. »
Si les conclusions de l'Esco ne sont pas prescriptives, c'est pourtant dans le but de nourrir leurs réflexions sur la réglementation en gestation que les pouvoirs publics ont commandé cette étude. « On a besoin de connaissances scientifiques pour prendre des décisions, justifie Christophe Chassande, du ministère de l'Agriculture. Le contentieux sur la directive sur les nitrates nous a empêché d'attendre les résultats de l'Esco. Nous avons sorti des textes traitant des points spécifiques soulevés par le contentieux. D'autres vont arriver. Les résultats de l'Esco nous aideront. »
« L'écueil à éviter pour ne pas décourager ceux qui s'engagent sur la voie des bonnes pratiques, c'est la caricature, a prévenu Guy Dartois, le président de la Cooperl Arc Atlantique en mettant en garde contre « une correction brutale de trajectoire ». Pour lui répondre, Jean-Claude Bevillard, de France Nature Environnement, a bien pris garde de ne pas attaquer frontalement les agriculteurs. « C'est la filière qui est intéressée par le maintien de la production, lance-t-il. On défend l'industrie. Il faut que les politiques aient du courage. »