Les ministres de l'Agriculture de vingt pays européens, emmenés par la France et l'Allemagne, ont de nouveau réclamé lundi à Bruxelles la mise en place d'une «nouvelle régulation» sur le marché du lait, avant une réunion informelle de l'UE sur le sujet.
«Nous sommes tous (les vingt) d'accord, sans aucune ambiguïté, pour construire une nouvelle régulation européenne du marché du lait en remplacement du système des quotas», a affirmé le ministre français de l'Agriculture, Bruno Le Maire, à l'issue de cette réunion préalable.
Les vingt Etats, réunis à l'initiative de Paris et Berlin, souhaitent que les relations entre producteurs et industriels soient plus équilibrées, alors qu'aujourd'hui les agriculteurs se plaignent des «diktats» de l'industrie agroalimentaire dans la fixation des prix.
«Ce qui est nouveau, c'est qu'une majorité qualifiée de pays (de l'UE) sont maintenant favorables à une régulation du marché», s'est félicitée la ministre belge de l'Agriculture, Sabine Laruelle.
Outre la France, l'Allemagne et la Belgique, le groupe des vingt pays favorables à la régulation du marché du lait comprend entre autres l'Italie, la Pologne et l'Espagne. Ces pays représentent une «majorité qualifiée» au sein de l'UE, de nature à forcer la Commission européenne à présenter des propositions.
Dans un communiqué conjoint, ce «G20» laitier a affirmé vouloir «donner aux producteurs les moyens légaux de s'organiser efficacement» face aux autres acteurs du marché, tels que les industriels.
Il a souhaité «rendre les instruments de marché (les subventions) plus efficaces et plus réactifs». Le retour des quotas de production, demandé par une bonne partie des agriculteurs, n'a pas été en revanche à l'ordre du jour de la réunion.
«Le cap politique de l'Europe sur le marché du lait doit être la régulation et pas autre chose», a martelé M. Le Maire, qui a estimé que le secteur du lait est un des secteurs «d'excellence» de l'agriculture. «Il faut de la régulation. Ce n'est pas le marché qui, seul, nous permettra de parvenir à cet objectif», a dit le ministre français.
«Il ne faut pas laisser le marché démanteler ce qui est un atout pour l'Europe», a-t-il ajouté.
Toutefois, derrière l'unité affichée sur la nécessité de ne pas laisser le secteur laitier livré à la seule loi du marché, les avis de ces 20 pays continuent de diverger sur le détails des mesures à prendre.
A son arrivée à la réunion extraordinaire des ministres de l'Agriculture de l'UE, la commissaire européenne à l'Agriculture, Mariann Fischer Boel, a émis de son côté des doutes sur la capacité des pays de l'UE à s'entendre sur une régulation des niveaux de production et des prix du lait, malgré les demandes insistantes en ce sens des agriculteurs.
«Je ne suis pas sûre que l'idée d'un marché régulé par la Commission sur le niveau de production et sur les prix soit soutenue» par les gouvernements européens, a-t-elle souligné.
Devant les ministres, la commissaire a proposé de mettre en place un groupe d'experts de haut niveau chargé de réfléchir aux problèmes du secteur laitier. Il devra notamment se pencher sur la mise en place de «relations contractuelles» au niveau national entre producteurs laitiers et industriels, afin d'offrir aux premiers «plus de pouvoir de négociation» dans la fixation des tarifs et de limiter les effets «de la volatilité des prix».
Il faut «un niveau de prix qui permette aux agriculteurs de survivre, de gagner de l'argent et d'investir dans l'avenir», a estimé la commissaire danoise.
Pour le reste, elle a jugé que les mesures de soutien au secteur déjà décidées par ses services commençaient à faire remonter les prix (des produits laitiers), semblant du même coup en exclure de nouvelles.
Elle s'est ainsi montrée très sceptique concernant l'idée de débloquer «plus d'argent de l'UE» en faveur d'un programme conjoncturel pour les producteurs laitiers, proposée par l'Allemagne.
«Je ne suis pas sûre que les ministres des Finances partagent cette opinion. Nous dépensons 5 milliards d'euros aujourd'hui pour augmenter le prix du lait de 3,5 centimes par litre», a souligné Mme Fischer Boel devant la presse. «Mais merci, si les Etats membres sont prêts à me donner cet argent, je ferai certainement attention à ce qu'il soit distribué de façon équitable», a-t-elle ironisé.
Pendant ce temps, plusieurs centaines de producteurs laitiers en colère, réunis à l'appel principalement de la Fédération européenne des producteurs de lait (EMB), manifestaient à proximité et au coeur du quartier des institutions européennes à Bruxelles où se réunissaient les ministres de l'Agriculture, pour faire pression sur eux et pour demander des aides face à la baisse des prix. Les agriculteurs se sont rassemblés devant le lieu de la réunion ministérielle.
L'accès au bâtiment était protégé par un important dispositif de policiers en tenue anti-émeutes, avec barrières métalliques couvertes de fils barbelés et véhicules blindés équipés de lances à eau.
Aucun incident sérieux n'avait été signalé dans la ville au milieu de la journée, selon un porte-parole de la police, à l'exception d'une brève altercation à la fin de la matinée sur une autoroute menant à Bruxelles, lorsque des agriculteurs à bord de tracteurs ont tenté de forcer un barrage des forces de l'ordre.
Finalement, après discussion, le cortège des manifestants composé de centaines de tracteurs a été autorisé à reprendre son chemin en direction de la capitale de l'Europe.
Le vice-président de l'organisation rivale, le Comité européen des organisations professionnelles agricoles (Copa), Gerd Sonnleitner, qui défend lui une ligne plus modérée, a été violemment apostrophé par les manifestants. Ils lui ont jeté une fourche en bois, des oeufs et des marrons, en le traitant de «lâche».
La situation restait globalement calme au début de l'après-midi.
Les protestataires accusent la politique en cours de libéralisation de l'agriculture européenne d'être responsable de la situation, ce que réfute la Commission, pour qui c'est la baisse de la demande de produits laitiers, consécutive à la crise économique, qui est à l'origine du repli des prix.
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