C’est un ministre de l’Agriculture manifestement irrité par la tonalité du discours du président de la FNSEA qui a clôturé le congrès du syndicat, jeudi, à Auxerre.
« A vous écouter, on a parfois le sentiment que le ministre de l’Agriculture est la personnalité soit la plus inutile, soit la plus nuisible de l'agriculture française », a déclaré Bruno Le Maire en préambule de son discours. « Vous n’avez pas salué les avancées concrètes obtenues depuis plusieurs mois, mais je ne suis pas rancunier », a-t-il précisé, à l’adresse de Jean-Michel Lemétayer.
Evoquant la profondeur de la crise, Bruno Le Maire a expliqué aux congressistes être venu leur dire : « Le président de la République et le gouvernement sont à vos côtés pour vous aider à construire un avenir meilleur. » Puis il a ajouté : « Je suis venu vous dire que nous ne vous laisserons pas tomber. »
Le ministre a résumé la « nouvelle donne agricole » qu’il propose de la façon suivante. « Nous vous demandons de continuer à garantir la sécurité alimentaire des Français. De devenir toujours plus un des pôles majeurs de développement économique et scientifique de notre société. Nous appelons à une meilleure organisation des filières et au renforcement du pouvoir des producteurs, pour gagner en compétitivité et améliorer l’équité de la chaîne commerciale, a-t-il détaillé. En retour, vous pouvez compter sur l’engagement total de l’Etat pour mettre à votre disposition les instruments économiques nécessaires et pour jouer son rôle d’arbitre [...], pour défendre une régulation européenne des marchés qui sera la seule protection efficace contre la volatilité des prix mondiaux [...], pour garantir à l’échelle européenne une juste rémunération de vos efforts en matière de sécurité sanitaire et d’environnement. »
Pour le ministre de l’Agriculture, « les vrais combats à livrer sont européens et internationaux ». Il a ainsi évoqué sa réelle détermination, mais aussi celle du chef de l’Etat et du Premier ministre concernant la renégociation de la Pac. « La clé de votre avenir se trouve dans les choix européens (...) Le président de la République a menacé d'une crise en cas d'abandon de la Pac ? Il a eu raison car mieux vaut une crise politique qu’une faute historique », a expliqué Bruno Le Maire.
D’ici à la fin juin, une contribution commune sur l’avenir de la Pac sera présentée par la France et l’Allemagne. « Un accord franco-allemand est la clé du succès », a-t-il précisé.
La France défend trois orientations majeures pour la future Pac. La première : des outils de régulation du marché plus efficaces dans toutes les filières agricoles. La nouvelle Pac doit disposer « de tous les instruments d’intervention plus flexibles et plus rapides, de transparence sur les volumes, d’information sur les prix, de gestion des aléas, qui permettront de corriger le comportement erratique des marchés », a expliqué le ministre.
Mais en matière d’ouverture du commerce international, « il n’y aura pas de retour en arrière », « notre puissance exportatrice agricole en serait la première victime ». Le combat en faveur de la préférence communautaire sera cependant poursuivi, a-t-il expliqué.
La deuxième orientation de la Pac défendue par Paris est le maintien d’un « niveau cohérent d’aides directes ». Ces aides sont « tout simplement la compensation du surcoût entraîné par les normes environnementales, sanitaires et sociales », a déclaré Bruno Le Maire.
Troisième orientation : le maintien d’exploitations dans les zones les plus difficiles.
Sur le plan national, Bruno Le Maire a évoqué le projet de loi de modernisation qu’il défendra au Sénat à partir du 18 mai en procédure d’urgence. La sécurisation du revenu passera par la contractualisation, le renforcement des interprofessions, mais aussi par une épargne de précaution « plus facile », des dispositifs assuranciels « plus avantageux, plus nombreux et plus efficaces pour faire face aux aléas ».
Au sujet de la bataille de la compétitivité, le ministre a expliqué que dans les prochains jours, il lancera des études indépendantes, filière par filière, « pour évaluer les coûts de production de chacun et vous aider à gagner en compétitivité ».
Et si l’agriculture durable fait partie de la nouvelle donne agricole, le ministre a rappelé trois conditions concernant les futures contraintes environnementales : que les nouvelles mesures soient compatibles avec la réalité économique des exploitations, que les autres pays européens adoptent, respectent et contrôlent les mêmes règles environnementales que nous, et enfin, que nous poursuivions nos efforts de recherche dans le domaine agronomique pour trouver des solutions aux impasses techniques.
« Je discuterai directement avec Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno des mesures les plus sensibles, comme les phytosanitaires ou les installations classées », a déclaré Bruno Le Maire.
Concernant les BCAE (conditionnalité des aides Pac) et les couverts hivernaux, il faut « remettre du bon sens agronomique », a-t-il ajouté.
En conclusion de son discours, le ministre a déclaré que pour mettre en place cette nouvelle donne agricole : « J’ai besoin de vous, j’ai besoin du soutien du syndicalisme agricole. »
Conscient de l’irritation que son discours avait provoqué chez le ministre de l’Agriculture, le président de la FNSEA a réajusté le tir, après l’intervention de Bruno Le Maire. « Nous sommes contents que vous soyez là. Vous avez fait appel à notre soutien. Vous avez beaucoup à faire au sein du gouvernement. On peut discuter à un moment donné, mais il faut aussi que les décisions tombent. A vous, à nous, si nous travaillons ensemble, de faire en sorte que ce soit la paysannerie française qui gagne. »
Remettant au ministre la médaille du 64e congrès, Jean-Michel Lemétayer lui a déclaré : « Elle vous rappellera tous les jours qu’il y a des gens qui vous attendent. »
• Télécharger le discours de Bruno Le Maire.
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vendredi 02 avril 2010 - 10h32
Compétitivité ? Nous avons deja reduit au maximum nos charges d'intrants , de mécanisation(même si certains ont encore du progrès à faire); il n'y a donc plus grand chose à gratter de ce côté là (en tout cas pas assez pour combler le déficit actuel). Reste les charges sociales , certains points de fiscalité (impots fonciers, CSG hors de prix sur les fermages, taxes sur les livraisons de céréales, etc..); mais sur ce point la balle n'est pas dans notre camp. Pour les mesures agro environnementales, nous pourrions y adhérer, à condition que tous les surcoûts (marges brutes perdues sur les surfaces enherbées, coût des CIPAN, entretien des haies (mesures topographiques), etc... nous soient intégralement remboursés et que nous soyons rémunérés pour le travail supplémentaire qui nous est imposé actuellemnt sans contrepartie; mais là, je sais qu'il ne faut pas rêver, cela rendrait furieux les écolos qui ne pensent qu'à nous faire disparaître (sauf le bio) et tant pis pour la pénurie qui viendra, on verra à ce moment là!