Le gouvernement français a exigé jeudi « la levée immédiate » des barrages d'agriculteurs établis depuis l'aube autour de Paris, après deux accidents survenus qui ont fait un mort et six blessés légers.
Le ministre délégué aux Transports, Frédéric Cuvillier, a demandé « la suspension immédiate des barrages ». « C'est une question de responsabilité et de sécurité », a-t-il estimé sur la radio Europe 1 en déplorant une « multiplication d'incidents ».
Le premier accident, mortel, s'est produit vers 06h30 dans le Val-de-Marne sur l'autoroute A6 (sud de Paris) lors d'une collision entre la voiture d'un particulier et un poids-lourd, au cours de laquelle « un pompier qui se rendait à son travail » a été tué, selon les services de M. Cuvillier.
Un second accident a impliqué un car de CRS, la police anti-émeute, et un camion d'agriculteur sur la RN104 dans le Val-d'Oise (nord de Paris), faisant « six blessés légers ».
« Par compassion », a-t-il indiqué à l'AFP, l'organisateur des manifestations, Damien Greffin, président de la FDSEA de l'Ile-de-France (FDSEA), a accepté de lever le barrage du Val-d'Oise. Mais, selon lui, l'accident se serait passé 2 km en amont du barrage. « Ce qui s'est passé est regrettable et triste. Nous avons une pensée pour toutes les familles mais ça reste un accident de la route », a-t-il dit. Pour lui, cependant, « la responsabilité agricole n'est pas engagée » dans l'accident mortel. « Au niveau du gouvernement, on n'est pas à une pirouette près pour démonter nos actions et les décrédibiliser », a-t-il accusé.
La FDSEA et la section régionale des Jeunes Agriculteurs (JA) avaient appelé leurs adhérents à organiser un « blocus de Paris » ce jeudi. Ceux-ci ont commencé avant l'aube à se rassembler sur les principaux axes conduisant au sud et à l'ouest de la capitale, notamment sur l'A6 et la N20 dans l'Essonne (sud), et la RN12 dans les Yvelines à l'Ouest.
Le Centre régional d'information et de coordination routières (CRICR) notait peu après 09h00 que « les déplacements en Ile-de-France sont rendus difficiles par ces opérations » des agriculteurs.
Il notait des perturbations dans l'Essonne en direction de Paris sur l'A6, près d'Auverneaux, où deux voies sont neutralisées par un barrage filtrant, ainsi que sur la N20 au niveau d'Etampes, où quelque 200 agriculteurs et une cinquantaine de tracteurs organisaient un barrage filtrant.
Sur la N12, la circulation était coupée à hauteur du tunnel de Jouars-Pontchartrain (Yvelines), ce qui entraînait des ralentissements jusqu'à Dreux (Eure-et-Loir).
Explosion de colère
Les agriculteurs avaient commencé à se rassembler avant l'aube dans une atmosphère bon enfant : « On distribue des tracts et des fruits. Pour le moment, tout se passe bien », confiait alors à l'AFP Denis Rabier, président de la FDSEA de de l'Essonne.
« On n'est pas des terroristes », avait insisté en début de semaine M. Greffin en appelant à éviter les débordements.
La mobilisation ne concernait jeudi que les départements de l'Essonne, des Yvelines et du Val-d'Oise, les autres appelant à une autre journée de mobilisation le 29 novembre.
Lancé lundi contre la « surfiscalité » et l'excès de réglementations parfois contradictoires, pour réclamer la démission du ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, le mot d'ordre s'est recentré contre la redistribution des aides européennes entre céréaliers et éleveurs (au profit de ces derniers) à la faveur de la nouvelle Politique agricole commune.
La FDSEA est particulièrement remontée contre la disposition, défendue par la France, qui consiste à sur-doter les 52 premiers hectares, pour avantager les petites exploitations.
Selon Damien Greffin, qui exploite seul 150 hectares de céréales et betteraves dans l'Essonne, cette nouvelle donne représenterait « une perte de revenus de 30 à 40 % pour les céréaliers ». « On va massacrer l'agriculture végétale et laitière avec ce dispositif qu'on sera les seuls à appliquer en Europe. Cela va faire dévisser nos entreprises », assure-t-il.
« Le vrai chiffre est 25 % », répond jeudi le ministre dans un entretien au Figaro : soit « une diminution de 45 millions d'euros sur une enveloppe annuelle de 179 millions versée à quelque 5.000 exploitants ».
Selon Xavier Beulin, président de la FNSEA, « les contraintes mises bout à bout finissent par faire exploser la colère sur le terrain ».
Avant les accidents, le ministre des Transports, interrogé sur RMC, avait jugé cette mobilisation « pas compréhensible » : « Ce n'est pas en bloquant et en lançant des ultimatums qu'on règle les choses. [...] Je suis au regret de dire que ce qui est mis en avant lors de ce mouvement nécessite quelques éclaircissements. »
Quant au ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, ciblé par le mot d'ordre des manifestants qui veulent dérouler leur « Foll journée », il a prévenu qu'il « n'avait pas pour habitude de céder aux ultimatums ».