Le Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) n'ont pas retenu le découplage entre la prescription et la vente des antibiotiques vétérinaires, comme solution efficace pour réduire la consommation de ces molécules. Dans un rapport, ils préconisent un encadrement renforcé des relations commerciales, notamment entre les laboratoires et les vétérinaires, ainsi que la mise en place d'un observatoire des flux, avec une obligation de déclaration des produits vendus et prescrits.
Stéphane Le Foll a évoqué cette question du découplage, le 14 novembre 2012, lors d'une journée consacrée à l'usage des antibiotiques en élevage, organisée par son ministère. L'objectif : réduire la consommation de ces molécules de 25 % en cinq ans. Et dans le cadre de la mesure 29 d'Ecoantibio 2017 (1), celle sur l'encadrement commercial de la vente d'antibiotiques, le ministre n'excluait aucune voie. « Je souhaite que toutes les pistes soient ouvertes, déclarait-il alors. Y compris celle du découplage total. »
Neuf mois plus tard, les quatre rapporteurs écartent cette hypothèse du découplage. Ils estiment que son efficacité n'est pas avérée. Son impact serait même « défavorable à la santé publique et à l'économie agricole, en raison de ses conséquences sur un réseau vétérinaire en milieu rural déjà fragile. Pour autant, si dans cinq ans, l'ensemble des mesures du plan Ecoantibio ne devait pas parvenir à faire baisser la consommation d'antibiotiques de 25 %, cette solution devrait alors être réétudiée », préviennent-ils.
C'est davantage sur l'encadrement des relations entre les vétérinaires et leurs fournisseurs que les rapporteurs misent pour « affranchir » les praticiens « des pratiques commerciales qui pourraient influencer leurs prescriptions. En effet, des contrats de coopération commerciale lient les laboratoires et les vétérinaires en accordant à ces derniers des remises importantes selon le volume d'antibiotiques achetés. Ce n'est pas tant le niveau de marge qui est contesté, que le mécanisme incitatif à la prescription mis en place par les fabricants de médicaments. »
Le rapport propose d'interdire « toutes espèces de remises, pour tous les acteurs, du fabricant à l'acheteur final, sur l'achat d'antibiotiques ». Il recommande aussi « de limiter la marge bénéficiaire des antibiotiques dits d'importance critique, qui seront définis réglementairement. Les contrats de collaboration commerciale relatifs aux antibiotiques seront également interdits afin d'éviter la rémunération des prestations annexes liées à la prescription d'antibiotiques. »
Les rapporteurs estiment que « l'interdiction de toute vente liée ainsi que la mise en place de sanctions dissuasives devrait suffire à éviter le risque de contournement abusif. Cette interdiction devrait mécaniquement aboutir à un prix unique d'achat. » Et comme pour le découplage, les rapporteurs insiste sur le fait que si cette mesure n'est pas suffisante pour réduire sensiblement la prescription d'antibiotiques, « la mise en place de prix administrés par l'Etat devra être étudiée sur le modèle danois, quoique cette voie reste relativement complexe à mettre en œuvre. »
Enfin, les rapporteurs plaident en faveur d'un dispositif pour « améliorer la connaissance des flux et des quantités d'antibiotiques commercialisés ». Ce système rendrait obligatoire la déclaration des antibiotiques vendus, prescrits, achetés ». Ce dispositif serait financé en adaptant la taxation existante du médicament vétérinaire, afin de taxer de façon particulière les antibiotiques.
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(1) Plan national de réduction des risques d'antibiorésistance en médecine vétérinaire.
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