« Les céréales font civilisation », estime Gilles Fumey, géographe et professeur à la Sorbonne. Ses propos illustrent bien les différentes communications de professeurs d'Universités réunies par Passion céréales dans un livre à paraître intitulé « Le bonheur est dans les blés » (1). Ils ont présenté leurs contributions mercredi 9 février à Paris.
Si le blé marque les civilisations européenne, méditerranéenne et africaine, le riz a la même puissance dans les civilisations asiatiques, et le maïs en Amérique. Attention cependant : si partout le symbole reste fort, il est bousculé par les changements rapides introduits à la fin du XXe siècle.
Selon Patrick Denoux, professeur de psychologie interculturelle à l'Université de Picardie, le lien entre le grain et le pain n'est plus aussi naturel à l'heure du triomphe des industries agroalimentaires et des agrocarburants.
Autre alerte apportée par Pascal Hintermeyer, sociologue à l'Université de Strasbourg : les imaginaires alimentaires des jeunes de moins de 18 ans poussent à se poser des questions. Très jeunes, ils associent les notions d'alimentation, de santé et d'apparence corporelle. Ils sont également sensibles à l'angoisse planétaire sur l'alimentation.
Olivier Assouly, lui, se réjouit que l'on soit passé d'une confiance aveugle à un rapport angoissé à la nourriture. Il aimerait que le consommateur, par définition passif et irréfléchi, laisse la place à l'amateur qui goutte, compare et cherche des pairs pour partager ses opinions.
Il fait un parallèle avec l'amateur de vin. Et se réjouit de voir bientôt autour du pain, des pâtes ou de la bière, naître des communautés d'amateurs de céréales.
Enfin, pour l'historien Marc de Ferrière Le Vayer, qui a œuvré pour que la pratique sociale du grand repas français soit reconnue à l'Unesco, tous les discours actuels sur l'alimentation manquent d'une dimension majeure : celle du plaisir.
Jean-François Gleizes, agriculteur et président de Passion céréales, a conclu son introduction par la phrase de Claude Lévi-Strauss : « Il ne suffit pas qu'un aliment soit bon à manger. Encore faut-il qu'il soit bon à penser. »
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(1) Editions de l'Aube, 15 euros.