Le plan de lutte du gouvernement contre les algues vertes marque un « tournant » pour l'agriculture, même si « on ne peut pas revenir sur 15 ou 20 ans d'agriculture d'un claquement de doigt », a estimé, vendredi, le ministre de l'Agriculture, en présentant, à Rennes, le détail des mesures retenues.
Ce plan de 134 millions d'euros sur cinq ans préconise des « changements de pratiques et de méthodes » agricoles, mais il faut aussi « prendre en compte les contraintes des agriculteurs », a expliqué Bruno Le Maire, qui s'exprimait en compagnie de Chantal Jouanno, la secrétaire d'Etat chargée de l'Ecologie.
« Les agriculteurs, on est bien content de les trouver pour augmenter le PIB de la région Bretagne ! », a dit M. Le Maire. « Nous tirerons le bilan dans quelques mois ; s'il cela ne donne pas de résultats, on passera à un dispositif obligatoire et contraignant », a-t-il assuré.
Chantal Jouanno a elle aussi qualifié ce plan de « tournant », tout en reconnaissant qu'il faudra « au minimum 10 à 15 ans » pour régler complètement le problème de la prolifération des algues vertes.
Les grandes lignes du plan avaient été présentées mercredi en conseil des ministres, mais le gouvernement a attendu la réunion de vendredi à Rennes avec les agriculteurs et les défenseurs de l'environnement bretons pour en dévoiler les détails.
L'action du gouvernement est principalement axée sur le traitement et la collecte des algues sur les plages, avec notamment la création de trois plates-formes de compostage des algues d'ici à 2011, dans les Côtes-d'Armor, le département le plus touché par le phénomène.
Mais le gouvernement mise aussi sur « la reconquête des zones naturelles » et la « dénitrification », c'est-à-dire la réduction des apports d'azote par les agriculteurs. Le plan fixe dans sa partie relative à la prévention l'objectif d'un taux de nitrates compris entre 10 et 25 mg par litre dans les eaux bretonnes.
Dans la baie de Saint-Brieuc, zone pilote avec la baie de Lannion (Côtes-d'Armor), il s'agit ainsi de réhabiliter 20 % du territoire en zones humides, prairies, haies dans un premier temps. Les deux baies pilotes sont occupées par quelque 2.000 exploitations.
De manière globale, dans les huit baies concernées, le plan énonce à l'attention des 4.000 agriculteurs de la zone un objectif de réduction des flux de nitrates de 30 à 40 % d'ici à 2015, avec un effort de maîtrise des épandages.
Le plan prévoit également de soutenir financièrement la méthanisation, à la fois des algues et du lisier, pour produire de l'énergie.
Sur le cheval de bataille des associations environnementales, la lutte contre l'intensification de l'élevage dans les bassins versants de la zone de prolifération des algues, le plan prévoit une circulaire aux préfets, leur demandant de veiller « au principe de non-dégradation de la pression organique à l'hectare dans le cadre des demandes d'autorisation des dossiers d'installations classées ».
Denis Baulier, du collectif « Urgence marées vertes », a quitté bruyamment la réunion, vendredi, pour exprimer son mécontentement. « Les agriculteurs ne vont pas prendre en charge le ramassage et le traitement des algues. Les agriculteurs pollueurs s'en sortent très bien », a-t-il regretté.
« Le curatif (le ramassage des algues sur les plages) ira très vite, mais tout ce qui est préventif est remis à plus tard, y compris le respect des directives européennes », a pour sa part déploré Jean-François Piquot, porte-parole de l'association environnementale Eaux et Rivières de Bretagne.
« Nous sommes rassurés mais prudents » et « nous serons extrêmement vigilants sur la mise en œuvre », a averti de son côté Jacques Jaouen, président de la chambre d'agriculture de la Bretagne.
Principaux points du plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes Ce plan est surtout axé sur le ramassage et le compostage des algues vertes (mesures curratives). • Ramassage et compostage - prise en charge par l'Etat du ramassage en 2010 dans la limite de 700.000 euros ; - création de trois plates-formes de compostage dans les Côtes-d'Armor (Launay-Lantic, Lannion-Trégor, Lamballe) pour traiter, avec l'aide d'une subvention de 8 millions d'euros de l'Ademe à partir de 2011, « l'ensemble des algues ramassées ». En attendant, l'Etat prendra en charge 50 % du coût du traitement transitoire des algues vertes en 2010 (500.000 euros) ; - appels à projets pour la collecte de lisiers et algues et leur traitement par méthanisation à partir de 2012. • Sécurité sanitaire - établir avant l'été de 2010 des « recommandations nationales de prévention à destination du public et des riverains » ainsi que des « recommandations spécifiques pour les travailleurs exposés lors de la collecte et du traitement ». • Actions préventives - reconquête de zones naturelles avec maintien et réhabilitation d'une « part significative » des surfaces des baies et bassins versants concernés, avec une part de 20 % dans la baie de Saint-Brieuc. Pour les autres baies, l'objectif sera fixé au début de 2011 pour un « retour au bon état des eaux littorales » d'ici à 2027 ; - faire évoluer l'agriculture vers « des systèmes de production à très basses fuites d'azote » ; - mise en place d'une déclaration annuelle des quantités d'azote utilisées et échangées ; - contrôle dans les deux ans de toutes les exploitations concernées ; - limiter l'augmentation des apports d'azote organique et minéral. Les préfets seront invités à limiter les autorisations et les extensions d'installations classées. |