« Amorcer un changement dans les mentalités », c'est en quelques mots l'ambition du Forum pour l'avenir de l'agriculture (FFA) coorganisé par ELO (European Landowners' Organization) et Syngenta qui a rassemblé 1.500 participants à Bruxelles mardi, selon les organisateurs.
Pour « relever le défi alimentaire et environnemental », thème de ce forum, les intervenants internationaux qui se sont succédé à la tribune ont pointé le besoin de miser sur la recherche, la science, l'agroécologie, mais aussi le commerce international.
Le commissaire européen à l'Environnement, Janez Potocnik, a surtout souligné le besoin d'utiliser les ressources de façon plus raisonnée. En particulier, le sol, qui est « une ressource finie », donc soumise à des pressions croissantes à mesure que la population mondiale augmente. Et même en Europe, avec une faible croissance démographique, la demande pour les terres est en augmentation, on perd des terres arables chaque année, a-t-il rappelé.
Mais la question du sol est aussi qualitative : la dégradation (perte de fertilité, érosion...) pose également un problème. Le commissaire a donc appelé de ses vœux la mise en place d'un cadre législatif européen sur les sols, et souligné le besoin de lutter contre le gaspillage alimentaire, qui revient à gaspiller des terres et des intrants.
Pour Pascal Lamy, ancien directeur de l'OMC (Organisation mondiale du commerce), le commerce mondial, notamment dans le cadre d'accords multilatéraux, peut bénéficier à tous les pays et notamment améliorer la sécurité alimentaire dans les pays du Sud.
Olivier de Schutter, rapporteur des Nations unies pour le droit à l'alimentation, a exposé une vision différente. Selon lui, cette approche a conduit à une intensification et une spécialisation de l'agriculture dans les pays industrialisés qui a eu des conséquences néfastes sur l'environnement, et a pénalisé doublement les petits paysans du Sud.
« Une première fois parce qu'ils ont été exclus du commerce mondial, n'étant pas en mesure de rivaliser, et une deuxième fois parce qu'ils ont été battus sur leurs propres marchés domestiques, donc sont devenus de plus en plus dépendants des importations », a expliqué M. de Schutter.
L'expert s'est réjoui qu'il « existe aujourd'hui un fort consensus sur le fait qu'il ne faut pas nourrir les pays du Sud mais les aider à se nourrir eux-mêmes ». Cela ne signifie pas qu'il faut fermer les frontières, a-t-il mis en garde, « il faut davantage de commerce, mais pas aux dépens des systèmes de production locaux ».
Et pour ceux-ci, il invite à miser sur l'agroécologie, précisant qu'il ne s'agit « ni de bio, ni de décroissance », et qu'elle apporte des bénéfices non seulement environnementaux mais aussi économiques.
« Pour beaucoup de petits agriculteurs qui n'ont pas accès aux intrants, c'est un moyen d'abaisser le coût de l'agriculture et de la leur rendre abordable, en plus de valoriser leur savoir-faire », a-t-il expliqué. Des bénéfices immédiats, peut-être plus parlants pour certains paysans du Sud que la notion de « durable ».
En effet, « pour vouloir produire de façon durable, il faut avoir une vision à long terme. Or dans nos pays, les paysans manquent de connaissances sur ce que sera l'avenir, a souligné le ministre de l'Agriculture de la Zambie, Robert Sichinga. On ne peut pas motiver les paysans à produire durablement s'ils ne peuvent pas se projeter dans l'avenir ».